L’Amie Prodigieuse, d’Elena Ferrante : Le récit d’une amitié vibrante et déchirante.

Il y a quelques mois, j’ai commencé à voir L’Amie prodigieuse d’Elena Ferrante partout dans les magasins Fnac. Avec leurs photos en noir et blanc imprimées sur les couvertures, les livres commençaient à se propager partout dans les rayonnages, certifiant des millions de lecteurs satisfaits. Généralement, je n’aime pas me fier aux tendances… Mais un jour qui n’était pas comme un autre, j’ai malgré moi pris un des nombreux exemplaires sur les étagères des Top Ventes, et avant même de m’en être rendue compte, j’étais passée en caisse et ressortie avec mon achat dans mon sac à main. Je ne m’attendais pas à tomber dans un tel piège. À partir du moment où j’ai ouvert le roman, j’ai su que ça allait être une belle aventure. Je ne pensais pas que je dévorerais les trois premiers tomes et demi sur quatre, puis serait si réticente à finir le dernier. Je me disais que quand je l’aurai terminé, je refermerai le livre et n’aurait plus de suite. Je ne savais pas comment quitter ces personnages, que l’on suit de leur petite enfance jusqu’à la fin de leur vie. Je ne pensais pas que je choisirai volontairement de prendre les transports en commun plutôt que le confort de ma voiture pour pouvoir avancer encore un peu plus dans ma lecture de la vie, pleine de beaux combats, du personnage d’Elena. Que dans ces mêmes transports, j’échangerai des petits sourires avec des personnes de tout style et de tout âge, lorsqu’on se rendrait compte que l’on est en train de lire le même livre.

Je ne prolonge pas le suspense plus longtemps, je vais vous présenter l’histoire. Pour moi elle se résume en deux thèmes primordiaux : Être une femme au XXème siècle dans un monde profondément violent, et l’histoire d’une amitié si fusionnelle qu’elle en devient destructrice.

On nous présente la vision d’une femme et le combat de vie de diverses femmes, aux caractères uniques et attachants, dans les bas-fonds de l’Italie des années 50. L’auteur y dépeint la violence, comme quelque chose qui appartient au quotidien, et la vision pas si innocente d’une petite fille qui essaie de se battre pour garder la tête hors de l’eau dans ce quartier pauvre et sombre, en périphérie de Naples, qui représente l’essentiel de son monde alors qu’elle est enfant. Elena, Lenù de son surnom dans le roman, grandit puis devient une femme qui continuera de se battre pour ses valeurs : d’adolescente timide et renfermée, elle se transforme peu à peu en femme qui revendique sa liberté, et qui deviendra malgré elle, un porte-parole du mouvement féministe en Italie, emportée notamment dans la vague de manifestations de Mai 68.

L’autre grand thème du récit – et pas des moindre bien au contraire ! – c’est celui de l’amitié prodigieuse,  qui évolue tout au long des 4 tomes entre Elena et Lina, ou Lila, comme Elena est la seule à la surnommer. Les deux petites filles se font concurrence pour être la meilleure de la classe à l’école primaire : Toutes les deux très intelligentes, Elena est obéissante et douce tandis que Lina est imprévisible et méchante. Ce duo improbable grandira de l’enfance à l’adolescence, en continuant sa route à l’âge adulte, jusqu’à la maturité des deux femmes. Il s’agit d’une histoire d’amitié très fusionnelle, où parfois les limites sont très floues, que l’on suit tout du long du point de vue d’Elena, qui oscille entre son admiration sans limite pour son amie de toujours, et un profond sentiment de jalousie, voire de haine.

Entre sympathie et aversion, les deux jeunes femmes entretiennent une relation chaotique tout au long de leur vie, pour le meilleur, mais surtout pour le pire.

Lila est personnellement mon personnage préféré, très énigmatique et avec un esprit si exubérant que l’on se pose cette question toute la saga – ce fût mon cas en tout cas – : Est-elle atteinte d’une forme de maladie mentale, telle qu’un trouble bipolaire qui n’aurait jamais été diagnostiqué ? Ou bien est-elle un génie, une surdouée incomprise ? Ou s’agit-il simplement d’une personne froide et calculatrice ? Une sociopathe ou une âme sensible détruite par une vie de violences ? Toutes ces questions survolent le personnage si énigmatique de Lila. Elena pivote autour d’elle, comme un satellite autant que Lila est le sien. Parfois proche parfois loin, Elena et Lila finissent toujours par se retrouver tels des aimants. Le point de vue d’Elena nous empêche de véritablement connaître la pensée de Lila, même si elle est supposément la personne qui la connait le mieux au monde. Lorsqu’elle pense l’avoir cernée, Elena se prend un nouveau mur, à son grand désarroi et au nôtre, lecteurs et lectrices. Le voile sur le mystère de Lila ne sera jamais levé.

À travers leur compétition d’enfance, leurs histoires de famille et leurs tumultueuses passions amoureuses, les deux amies partagent joies et malheurs, larmes et rires au travers d’une époque et d’un monde en grands changements, aussi bien du point de vue de l’évolution et du combat du droit des femmes, que dans une Italie sous tension, où s’opposent avec force pendant plusieurs décennies les partis politiques communistes et fascistes. Politique, religion, éducation et culture sont au centre de récits intellectuels, de débats auxquels la narratrice assiste, parfois sans les envisager vraiment. Elena ne se prétend pas être une personne particulièrement défenseuse de la cause des femmes ou des droits des opprimés. Cependant son statut social et politique, où sa carrière l’amènera, la fera défendre ces idées par l’opération de diverses actions. C’est intéressant de constater un certain détachement pour les causes essentielles de la part de la narratrice, bien que dans les faits elle soit une véritable actrice de ces combats, et d’assister en parallèle à son obsession sans limite pour son amitié avec Lila ou son amour pour le même garçon depuis sa petite enfance. Ce choix de priorités, interne à la pensée narrative est parfaitement assumée au lecteur, alimente un sentiment de compassion pour Elena, au vu de son authenticité et de sa transparence. Les causes politiques qu’elle a défendu toute sa vie, finalement, ce n’était pas le plus important. L’important est dans l’humain, le personnel. Et surtout : Tout, absolument tout, fini toujours par passer au deuxième plan, après Lila. Pour finir l’argumentation de ce propos, je dirais donc que cette histoire traite de deux points centraux mais que l’amitié illustrée, qui donne son nom à l’ouvrage, passe au premier plan.

Elena et Lila évoluent sous une plume au style sans pareil, impliqué et enivrant, de l’auteur italienne Elena Ferrante.

Et, comme j’aime bien les révélations, j’ai attendu jusqu’ici pour vous dire qu’un mystère plane sur le récit, qui appartiendrait peut-être au genre de l’autobiographie, où les noms de familles auraient été modifiés… Ou peut-être pas ? Les coïncidences sont nombreuses… Récit de vie ou fiction, Elena Ferrante laisse encore planer le doute aujourd’hui. Car en effet l’auteure aujourd’hui âgée de 76 ans reste très secrète sur sa vie et n’a jamais répondu à cette question. Personnellement, au vu de l’intensité et du détail du récit, j’ai pris parti de penser qu’elle avait écrit en se basant véritablement sur sa propre vie, où elle s’est peut-être parfois permis d’ajouter quelques fantaisies. Mais une intensité pareille ne peut être inventée sans retranscrire des sentiments réels.

L’Amie prodigieuse donc, fût pour moi un coup de cœur inattendu. Je me suis retrouvée au travers des sentiments d’Elena, en tant que femme qui se bat pour ses droits, en tant que littéraire tentant d’appréhender le monde des lettres, puis le monde tout court, et en tant qu’amie impliquée se retrouvant face à une relation tumultueuse qu’elle adore et adore détester. Bien que Lila reste mon personnage préféré, je dois avouer que mes points communs avec Elena sont nombreux. Ensuite, les autres personnages paraissent tellement vrais, tellement authentiques, que l’on se dit que si cette histoire ne relève pas de faits réels, alors cette auteure a été touchée d’inspiration divine et écrit le récit d’une de ses vies antérieures. J’extrapole mais vous avez compris l’idée.

L’Amie prodigieuse, est une saga qui pourra toucher tout le monde par son authenticité et sa sincérité qui dépeignent…La vie, tout simplement !

La saga se compose en quatre tomes : L’Amie prodigieuseLe Nouveau NomCelle qui fuit et celle qui reste, et se referme en beauté avecL’Enfant perdue. En commençant cet article, je n’avais pas fini la saga et voulait vous proposer une fin à l’image de ma pensée : En suspens. Au moment où j’écris ces lignes cependant, il y a bien fini par y avoir une fin. Cette fin fût à la hauteur de mes espérances. Elena dit dans l’épilogue que cette histoire aurait pu ne jamais avoir de fin, et j’aurais voulu que ce soit une vérité.

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