Le faire ou mourir, de Claire-Lise Marguier : Quand les émotions coupent le souffle.

La lecture de Le faire ou mourir de Claire-Lise Marguier fait partie de ces lectures qui marquent. Le roman est un livre unique, sans suite, qui ne fait pas plus de 150 pages. Et pourtant, ce court récit est manié de façon telle que presque chaque mot pénètre le cœur comme un millier d’aiguilles. Si je devais utiliser un unique mot pour définir cette œuvre, je choisirais « intense ». La preuve étant que je l’ai lu en… une nuit ! Il me semble l’avoir terminé, le cœur battant et les paupières lourdes de sommeil, luttant pour ne pas m’endormir aux alentours de quatre heures du matin, alors que je me levais dans moins de trois heures. J’en avais entendu parler lorsque j’étais au lycée. Je ne me rappelle plus tellement le contexte, simplement d’une fille qui avait présenté ce livre en cours, très brièvement, mais presque comme une relique qu’elle transportait partout avec elle. Elle n’en avait pas dit beaucoup mais son intérêt était si communiquant que ça m’a marquée. Du coup, pas directement après mais plusieurs mois plus tard, je me suis lancée dans la lecture. J’ai eu l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre.

Le moins que je puisse dire, c’est qu’il ne faut pas lire ce livre sans être préparé à recevoir une vague extrêmement violente d’émotions en pleine figure. Moi, au vu du témoignage de cette fille, j’étais prête. Du moins je pensais l’être.

Le faire ou mourir raconte l’histoire de Damien, dit Dam, un lycéen renfermé, timide et mal dans sa peau. Harcelé par ses camarades, il croise un jour le chemin de Samy et de sa bande, qui viennent à sa rescousse alors qu’il est en train de se faire tabasser. La rencontre est un point de non-retour puisque Dam va rapidement s’intégrer à ce groupe de marginaux, entièrement vêtus de noir, portant eye-liner et troubles à l’âme. Samy et sa bande font peur : ils sont différents, mystérieux, rêveurs et poètes, fans de musique de métal. Dam se fascine pour ces gens en qui il retrouve un peu de lui, touché d’enfin trouver sa place quelque part, lui qui avait toujours été un éternel solitaire. Dam se fait percer la langue, teint ses cheveux et cerne ses yeux de noir, pour défiler fièrement auprès de ses nouveaux amis.

La dure réalité que peut être la vie lycéenne quand on est supposément « différent » est dépeinte ici et pose cette question : Qu’est-ce que la différence dans un univers où on essaie tous d’être pareils ?

On évolue dans l’histoire au travers des yeux de Dam, adolescent torturé qui entretient des rapports très conflictuels avec sa famille, comme cela peut être propre à cette tranche de vie. Un adolescent qui tombe amoureux pour la première fois, et où tout est en même temps merveilleux et terrifiant. Un adolescent profondément marqué par la violence qu’il subit dans le milieu scolaire, où tout lui semble dénué de sens. Un adolescent en phase de devenir un adulte, simplement, et qui se perd dans un monde de plus en plus sombre, où les portes du déclin sont bien plus proches que ce que l’on imagine… L’histoire est émotionnellement difficile car elle retranscrit avec brio l’état d’un esprit tourmenté qui lance un appel à l’aide que personne n’entend. Seul Samy sera le salut de Dam au moment de sa vie où il en a le plus besoin.

La relation entre les deux garçons est forte, explosive et incroyablement douce. Une authenticité qui crée tout le réalisme du livre.

Ce qui fait la particularité du roman, et qui m’a beaucoup interpellée au début car je ne m’attendais pas du tout à cela, c’est la façon dont l’auteure a choisi d’écrire. Son texte est brut, comme si elle l’avait écrit d’une traite, sans se relire une seule fois, sans soucis de la structure, et l’avait envoyé en maison d’édition qui l’aurait publié tel quel. Nous sommes plongés dans la pensée de Dam tout du long, à la façon la plus stricte du sens de « focalisation interne ». Absolument tout est vu et décrit à travers lui, au point que même les dialogues et leur structure typographique sont mis à mal. Parfois les tirets propres au dialogue n’apparaissent tout simplement pas, remplacés par la pensée rapportée de Dam ou par des guillemets. Le lexique utilisé est particulier également, puisqu’il pourrait parfois presque s’apparenter à du langage oral, de part certaines expressions utilisées. La fin de l’histoire mise en place par l’auteure est également inattendue par son originalité, qui plonge le lecteur dans le doute et l’incompréhension, avant de lui laisser faire un choix. Je ne peux pas en dire davantage sans rien révéler, mais pour vous donner une idée générale, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J’ai refermé le roman en tremblant, assommée de sommeil mais dans l’incapacité de dormir à cause de toutes les questions existentielles que je me suis posée seule dans le noir, et encore beaucoup les jours suivants. Je ne vous raconte pas le (non) réveil difficile le lendemain matin. Encore aujourd’hui, le simple fait d’écrire me fait remonter ce sentiment que je ne pourrai définir et qui ne peut être compris que par ceux qui ont lu le livre et l’ont ressenti comme je l’ai ressenti.

Dans Le faire ou mourir de Claire-Lise Marguier donc, on entre dans le précipice de la vie de Damien, adolescent incompris et révolté qui se découvre une identité nouvelle, tiraillé entre son amour naissant pour un autre garçon et sa haine de la vie en général. Dam est au bord du gouffre, et nous, lecteurs, retenons notre souffle tout du long pour ne pas tomber avec lui…

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